https://www.youtube.com/watch?v=YFD2PPAqNbwLa symphonie, humblement jouée par le lecteur de la Panamera Edition Platinum, remplissait l'habitacle luxueux du bolide allemand. Les onze hauts-parleurs offraient le plus doux des plaisirs aux oreilles des chanceux pouvant se permettre de rouler dans une telle machine – modèle sportif tout droit venu d'Allemagne.
Le moteur grondait au milieu de nul part, traversant une longue route déserte dont il venait chambouler le calme habituel. De part et d'autre, la forêt (
rien ne semble y vivre et pourtant...) s'étendait sur plusieurs dizaines de kilomètres facilement. Même après quinze minutes passées à rouler, Samuel n'en voyait pas le bout. Mais il pouvait sentir son appel, poussé par un désir de vengeance intarissable.
Lorsque le sorcier jugea qu'il était fin temps de s'arrêter, celui-ci se rangea sur le bas côté. Il coupa le moteur. Les notes de musiquent s'éteignirent. Le silence remplit la Panamera. Samuel pouvait entendre le son produit par l'air fouettant ses parois nasales. Ses mains encore agrippées au volant, il jugea la lisière de la forêt (
c'est ici...). C'était là qu'il devait se rendre, apparemment. Il sentait ses sens lui indiquer le chemin vers ce qu'il recherchait. Une puissance émanait de ces bois desquels la nuit ne semblait jamais se dérober.
Le grand corps du blond se déplia hors du bolide – un mètre quatre-vingt-seize de hauteur; une statue majestueuse; une allure robuste; un air dénué de toute forme d'émotion... Samuel allait pénétrer cette forêt, convaincu qu'il y découvrirait un monde inconnu qui le mènerait à son but.
Il en franchit l'orée d'une enjambée confiante, lente, presque dédaigneuse de ce qu'elle pouvait lui réserver. Le sorcier s'enfonça. Il ne pouvait déceler aucune forme, les rayons irisant de la lune peinaient à traverser tous les feuillages des arbres gigantesques.
Sa marche fut brutalement interrompue par l'appel d'une voix familière (
impossible). Il l'entendait appeler depuis l'autre côté d'un de ces troncs énormes dont regorgeait la forêt.
– Samuel... la voix, portée par un vent glaciale, flotta jusqu'aux oreilles du grand homme.
– Samuel...Pivotant la tête au dessus de son épaule droite, il aperçut une silhouette postée près d'un large bloc noir. Une forme féminine. Il se dirigea vers ce qui continuait de le demander (
est-ce toi ?). Son calme imperturbable fut mis à rude épreuve. Ses poumons ses gonflaient d'air et se dégonflaient à une fréquence anormale. Son cœur s'enflammait. Ses yeux ne pouvaient distinguer aucun visage dans les ténèbres de la nuit. La silhouette l'attendait, quelques pas les séparaient encore. Il pouvait deviner des cheveux coiffés à la manière des riches dames de son pays d'origine.
– Mein Kleiner... murmura le vent qui portait toujours la voix.
– Nana ? La froideur de Samuel fut rattrapée par un élan de tendresse qu'il avait complètement oublié avec le temps.
Il s'arrêta face à la silhouette, la bouche encore entrouverte, sans parvenir à ajouter quoi que ce soit. Samuel demeura ainsi quelques secondes, figé, transcendé et même abasourdi. Cela ne se pouvait pas...
– Tu y es... susurra la voix fatiguée de l'entité présente en face de lui.
Une main se posa sur sa joue. Etait-ce sa main ? La main de sa défunte grand-mère. Tout ceci était-ce une hallucination ? Une douce illusion.
Il ferma les yeux et un vent souffla entre les feuilles des arbres. Les crépitements des branches s'élevaient tout autour de lui. Il sentit bientôt la terre se creuser sous ses pieds et les racines s'extirper du sol pour lui saisir les chevilles. Sans inquiétude, il se laissa emporter dans une sérénité improbable, tandis que la main sur sa joue disparaissait.
– Leg dich schlafen...L'instant d'après, il fut arraché à ce qui semblait n'être désormais qu'un rêve. Il se réveilla au milieu d'une place, adossé au rebord d'une fontaine. La forêt devait l'avoir traîné jusqu'ici après qu'il se soit endormi.